Je n'ai pas le temps. Vraiment ?

Je n’ai pas publié depuis quelques mois. Je pourrais me dire “je n’ai pas eu le temps”. Mais, est-ce vraiment un manque de temps ? Je l’ai ce temps. D’ailleurs, on a tous le même temps - 7 jours dans la semaine, 24 heures dans la journée, 60 minutes dans l’heure. C’est invariable¹. Pourtant, on entend et utilise souvent cette excuse, “je n’ai pas le temps”. Une affirmation incorrecte, qui ne veut pas dire grand-chose.

Le temps n’est pas une ressource comme les autres. Prenons en exemple l’électricité. On peut en acheter, en stocker, et même en fabriquer. Maintenant, regardons avec le temps. On ne peut pas l’acheter. Vous avez déjà vu des magasins pour acheter du temps ? On ne peut pas le stocker, ni en cumuler ; le temps passera quoi qu’il arrive, qu’on le consomme ou non. Et on ne peut pas non plus le fabriquer.

Attends, t'es en train de me dire qu'on ne peut rien faire avec le temps ?

Plus ou moins. On peut mesurer le temps entre des événements - “il s’est écoulé 2 heures depuis que je me suis levé”. Encore plus intéressant dans le cadre de cette histoire, on peut déterminer ce que l’on veut faire pendant un temps donné - “pendant la prochaine heure, je vais jouer de la guitare”. Et on peut ordonner des événements dans le temps - “je vais jouer de la guitare et ensuite faire du vélo”.

Vous voyez la subtilité ? J’agis sur moi et sur mes activités, sur ce que je peux contrôler et changer. JE m’adapte. Je n’agis pas directement sur le temps (d’ailleurs, c’est plutôt lui qui agit sur nous - qui a dit vieillesse ?).

On va donc chercher à influencer notre façon d’utiliser le temps qui s’écoule. Comment ? C’est une question à laquelle on peut répondre par la priorisation et l'organisation.

Jouer à la console, regarder une série, aller chez des amis, … Ce sont des choix, ce sont des priorités que l’on s’est données. Peut-être que l’on n’en ait pas conscient sur le moment, mais cela reste priorité. On a déterminé ce jour-là que regarder une série puis voir ses amis avait une priorité plus élevée que de faire du sport. “Je n’ai pas eu le temps de faire du sport” devient “j’ai eu d’autres priorités que de faire du sport”. Et c’est bien plus qu’un changement de tournure de phrase. On déplace le problème dans un espace que l’on peut résoudre : je ne peux pas changer la manière dont le temps s’écoule mais je peux changer mes priorités. C’est valable pour la vie pro autant que pour la vie perso.

Je peux commencer par lister toutes les activités et tâches que je dois faire. De cette manière, je vais rendre visible l’ensemble des choses que je veux faire. Je peux éventuellement faire des regroupements par thématique, j’aurais alors une vue plus macro. En explicitant tout ça à l’écrit, je vais pouvoir me rendre compte que j’essaie peut-être de faire trop de choses en même temps. C’est là qu’entre en jeu la priorisation.

On va se poser des questions pour déterminer ce sur quoi on veut passer du temps. Je ne pourrais probablement pas faire tout ce que je veux cette semaine, alors qu’est-ce que je choisis de faire ? Une autre façon de se challenger quand on n’arrive pas à s’enlever des tâches : je veux tout faire, ok, mais alors par quoi je commence ?

Pour m’aider, je peux utiliser la matrice d’Eisenhower. C’est un quadrant avec un axe urgence et un axe importance. En identifiant dans quelle zone du quadrant se situent nos tâches, on peut déterminer celles qu’il faudrait réaliser maintenant, plus tard, ou déléguer voire abandonner. C’est un modèle simple et pratique pour comparer des tâches. Eh oui, la priorisation, c’est aussi de la comparaison ; cette tâche est plus prioritaire que celle-ci.

Avec les tâches que j’ai identifiées, je peux créer un tableau Kanban pour visualiser l’avancement de ce que je fais actuellement. Trois simples colonnes suffisent : à faire, en cours et terminé. L’approche Kanban vient avec des principes très intéressants pour s’organiser. Je mets des limites sur les colonnes - je ne dois pas avoir plus de deux tâches en cours par exemple. Et j’essaie de tirer les cartes vers la droite le plus rapidement possible.

Autrement dit, je limite mes encours et je termine ce que j’ai commencé (stop starting, start finishing). Si je fais vingt tâches en même temps, je vais sans arrêt jongler entre ces tâches, et je vais mettre beaucoup de temps à en terminer n’en serait-ce qu’une. Alors que si je me limite à disons deux tâches, je pourrais plus rapidement la terminer et en commencer une autre.

Je cherche aussi à découper mes tâches en assez petits morceaux pour les terminer rapidement et passer à autre chose. Autre bénéfice important, j’ai plus de flexibilité dans la priorisation. Plutôt que de “repeindre l’appartement” puis “prendre soin du jardin”, je peux avoir un tri plus fin qui pourrait donner “repeindre le salon”, “tondre le gazon”, “repeindre la cuisine”, “repeindre la chambre”, et “tailler les haies”.

À noter que tout ça est applicable même si on n’utilise pas de tableau Kanban. Et en voilà un autre : savoir dire non. Un soft skill indispensable pour ne pas se retrouver avec une liste infinie de tâches à faire. Prioriser, c’est d’une certaine manière dire non à certains sujets. “Non je ne développerais pas cette fonctionnalité maintenant, voire pas du tout."

Vous voilà maintenant avec de nouvelles billes pour maîtriser le temps… à travers vous-même :)

Mon intention avec cet article était de vous permettre de vous questionner et de vous faire prendre conscience que le temps, c’est aussi une question de priorités. Et c’est une bonne chose, parce que ça, on peut le gérer. On peut décider d’adapter nos priorités en fonction du contexte, on peut s’organiser pour avancer, on peut trier ce qui n’est pas nécessaire, etc. Ou peut-être que vous vous rendrez compte que vos priorités actuelles sont OK pour vous, qu’il n’y a rien à changer, et que finalement cette chose pour laquelle vous n’avez pas le temps n’est pas si importante.


1. La rotation de la Terre varie ; elle est parfois plus lente, parfois plus rapide. Environ tous les 4-5 ans, une seconde intercalaire est ajoutée au système de temps UTC. Par rapport à l’horloge atomique qui elle ne varie pas.