Questions ouvertes et curiosité enfantine

Ce week-end, j’ai quitté le béton parisien dans la quête de trouver de la nature et de grands espaces. En prenant le métro, je me suis assis en face d’une petite fille probablement âgée de 4 ans accompagnée de son papa. Elle l’assiégeait de questions :

Papa, dis-moi
  • Pourquoi ça sonne ?
  • C’est pour prévenir les gens que la porte va se fermer.
  • Ahhhh. […] Et là, pourquoi le métro il va tout doucement ?
  • Parce qu’il y a des feux.
  • Et comment il fait ?
  • Il y a un monsieur qui conduit le métro et qui a une manette pour aller plus vite ou moins vite.
  • […] Ohhh on voit la lumière du soleil ici. Pourquoi ?

J’étais émerveillé devant le nombre de questions qu’elle posait et la variété des sujets. Elle regardait continuellement ce qu’il y avait autour d’elle. Tout ce que cet enfant voyait entraînait une interrogation. Pourquoi ceci, comment cela, qu’est-ce que, … Sa soif de curiosité ne s’étanchait pas.

Encore
  • Et pourquoi eux ils montent pas dans le métro ?
  • Ils s’arrêtent ici, ils vont sortir dans la rue.
  • Pourquoi il y a plein de câbles sur le mur ?
  • C’est pour que le métro fonctionne.
  • Qu’est-ce que c’est le bouton-là ?

Je suis également très curieux, et joueur : le temps d’une dernière station, je me suis amusé à suivre son regard et à imaginer quelques questions que je pourrais poser. En arrivant au terminus, elle m’avait battu. À peine le métro entrait sur le quai que la petite fille demanda à son papa « Pourquoi c’est grand ? ». J’ai concédé la victoire en lui adressant un grand sourire au moment de descendre.

Après avoir traversé les couloirs pour rejoindre les quais du RER, j’ai commencé à me remémorer le trajet en métro et toutes ces questions. Et pendant que je divergeais avec moi-même sur ce que j’avais observé, ma compagne me sortit soudainement de ma bulle avec une question : « Tiens, t’as pas pris ton sac gris. T’avais peur de ne pas avoir assez de place ? ». (J’avais emmené mon sac noir au lieu du gris)

J’ai d’abord rigolé. Ce qui l’intrigua - quelqu’un pose une question et la personne d’en face se marre, ça a de quoi interpeller. Je ne me moquais pas d’elle, mais je trouvais la situation très marrante. Je pensais aux questions de la petite fille - ce qu’elle demandait, la façon dont elle le demandait - et j’ai eu au même moment une question d’un adulte, très différente.

Je voyais là de forts opposés. D’une part des questions ouvertes (pourquoi, comment, qu’est-ce que) avec des possibilités de réponses très vastes, et d’autre part une question fermée avec deux possibilités de réponse (oui ou non). D’un côté des questions innocentes, sans préjugés, sans connaissance, de l’autre une question présentant déjà un avis, une conviction, un jugement sur la réponse.

Oui, parce que si on regarde la question de ma compagne, elle a mis sa réponse dans la question : « T’avais peur de ne pas avoir assez de place ? ». On pourrait presque enlever le point d’interrogation. La question est déjà orientée et fermée sur un axe.

Et non. Ce matin-là, j’avais choisi un autre sac pour avoir davantage de poches, afin de mieux organiser mes affaires, et non pas pour la plus grande place. Je n’avais pas besoin de plus d’espace, au contraire, j’aurais bien aimé avoir quelque chose de petit. Mais sa question supposait que le besoin de place avait motivé mon choix.

Ouvrir ses questions et sa curiosité

À travers cette histoire, j’ai envie de soulever deux propositions pour soi : poser davantage de questions ouvertes, et être aussi curieux qu’un enfant.

Poser des questions ouvertes pour se laisser surprendre, s’autoriser à avoir quelque chose d’inattendu. Pour mettre de côté son avis. Pour ne pas biaiser la réponse, ne pas influencer l’interlocuteur. Pour avoir une meilleure communication. Pour laisser la personne s’exprimer pleinement. Les questions ouvertes sont très puissantes. Pourquoi as-tu pris le sac noir ? Comment peut-on t’aider ? Qu’est-ce qui te freine ? Comment vas-tu ?

Être curieux comme un enfant en posant un tas de questions. Sur ce que l’on voit, pour comprendre ce qui nous entoure. Sur ce que l’on fait, pour comprendre pourquoi on le fait. Le petit enfant cherche, interroge, tout est nouveau pour lui. Pourquoi ce bout de code trouvé sur StackOverflow corrige mon problème ? Qu’est-ce qu’il y a derrière cette nouvelle fonctionnalité du langage ? Pourquoi est-elle ajoutée ? Et c’est valable partout, dans tous les domaines.